Humanistica : colloque annuel des humanités numériques francophones

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Humanistica : colloque annuel des humanités numériques francophones

J’aurais le très grand plaisir d’intervenir dans le cadre de la troisième édition du colloque Humanistica 2022, qui aura lieu cette année en format hybride à l’Université de Montréal.

Mon intervention s’intitulera :

Le Répertoire des Écritures Numériques :
construire une description des œuvres littéraires numériques contemporaines.

 

Le Répertoire des Écritures Numériques est une plateforme créée en 2015 par la Chaire de recherche du Canada sur les écritures numériques, sous la direction de Marcello Vitali-Rosati, et qui a ensuite rejoint le partenariat interuniversitaire Littérature Québécoise mobile.

Son rôle est d’inscrire et de documenter les traditions et cultures numériques des différentes communautés – celles où l’auteur.ice s’efface pour laisser place à des collectifs, des entités et des représentations fluides de la fonction auctoriale et éditoriale – qui sont liées aux supports de lecture depuis lesquels leurs créations sont mises à disposition.

Le but du Répertoire est de mettre l’accent sur la production et les moyens concrets de l’existence des œuvres; une nécessité permettant de cerner les implications et réceptions possibles.

La diversité des œuvres, nécessitant l’approche des narrations vidéoludiques (Aarseth 1999; Hayles 2007; Gervais et Archibald 2006), des pratiques des réseaux (Manovich 2001), nous conduit à bâtir un lieu de corpus fortement hétérogène (Emerit 2016). D’ailleurs, l’établissement des critères de sélections des œuvres pose question, nous amenant à théoriser la littérature dans son inscription et ses interactions avec les autres formes proches que peuvent être le jeu vidéo ou le cinéma interactif.

La démarche, ici, n’est pas de légitimer des œuvres existant par elles-mêmes en dehors des mains des universitaires, mais de permettre la documentation d’une pratique; documentation devenue nécessaire avec la multiplication des œuvres littéraires sur des supports et des plateformes divers, incluant les consoles de jeux et les téléphones intelligents, les montres connectées et mondes seconds (Ryan 2015).

Précédemment, les études historiques sur les corpus littéraires numériques se concentraient principalement sur des œuvres basées sur l’hypertexte et l’organisation en arborescence, mais elles appellent aujourd’hui à être dépassées pour tenter d’approcher une théorie de la lecture contemporaine, et donc, numérique.

Les œuvres littéraires numériques s’adaptant aux différents supports et techniques en évolution perpétuelle et rapide, il y a là un véritable enjeu de recherche pour documenter ces œuvres avant leur disparition ou leur décalage dans des pratiques et habitus différents de leurs environnements de production. Il s’agit donc, à travers le Répertoire, de les capter, ou au moins, de rassembler suffisamment d’informations sur elles et les pratiques qui les accompagnent pour pouvoir dresser des études statistiques et des analyses de la lecture et de ses formes contemporaines.

Pour cela, le Répertoire des Écritures Numériques vise à documenter et cataloguer les formes émergentes de la littérature numérique, ce qui amène également l’équipe à questionner en permanence les évolutions des catégorisations et dénominations possibles afin de qualifier au mieux les œuvres étudiées. L’établissement de champs caractéristiques, décrivant les perceptions concrètes et formelles de l’œuvre, est nécessaire pour une documentation de ce corpus. Documentation ensuite enrichie par une approche littéraire, convoquant tant la forme narrative que le genre discursif, les thématiques ou encore l’organisation du texte.

Ainsi, le Répertoire se positionne dans une double approche questionnant d’une part, la technique, et d’autre part, l’implication du.de la lecteur.ice par les gestes de lecture mis en place. Tout cela est permis par l’usage d’Omeka S, combiné à un thésaurus. Le lien entre les deux par l’enrichissement du second et son implémentation dans les fiches du premier permet une description fine et validée par la communauté. La construction d’un vocabulaire collaboratif et vérifié par les pairs, au sein d’un groupement universitaire, apporte une certaine stabilité et une analyse concertée des concepts. L’établissement de définitions communes pour les formes littéraires émergentes permet de les documenter et d’en cerner les mutations, reflétées par l’évolution des définitions et des exemples convoqués.

Comprendre comment ces œuvres sont construites, ou plus concrètement, quels logiciels ou systèmes de gestion de contenus sont employés, permet de cerner les contraintes techniques avec lesquelles elles sont composées, les supports possibles ainsi que l’héritage historique et communautaire des pratiques en question. La technique, liée au support, amène à considérer les interactions possibles avec l’œuvre : de nommer et de combiner des dictionnaires de gestes à l’interface physique entre le.a lecteur.ice et l’œuvre (Galloway 2011; Garmon 2018; Souchier et al. 2019).

L’implication du corps et la construction sémantique de son implication matérialisent cette incarnation et projettent le.a lecteur.ice dans une réception particulière : si l’œuvre repose sur des gestes déjà acquis, des interfaces usuelles, l’immédiateté de l’expérience placera le.a lecteur.ice dans une position d’immersion différente d’une proposition l’amenant à découvrir des manipulations plus exotiques. La place des supports, tant dans notre environnement hyperconnecté que dans nos pratiques quotidiennes, permet de comprendre la position des œuvres littéraires du corpus dans la vie quotidienne de chacun.e et l’inscription en superposition dans le flux informationnel ambiant.

L’imbrication de ces champs et leurs interdépendances se prêtent à une représentation visuelle, permettant de cartographier graphiquement les données rassemblées. Cette cartographie permettra d’expliciter la nécessité des différents champs autant que de saisir leur importance et leur co-action pour la réception et l’expérience formelle offertes.

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